Le 13 mars dernier, le Conseil d’Etat a rappelé, dans un contexte quelque peu original, la portée des dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme fixant une règle d’insertion des projets dans leur environnement naturel ou urbain (CE, 13 mars 2020, n°427408).
Dans cette affaire, le permis de construire litigieux portait sur l’implantation d’un immeuble collectif à proximité d’une maison construite selon les principes architecturaux bioclimatiques. L’édification de l’immeuble autorisé entraînait une baisse d’ensoleillement pour la maison voisine, et altérait ses conditions de fonctionnement.
Les premiers juges ont annulé le permis de construire sur le fondement de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme. Ils ont considéré que l’implantation du projet« aurait pour conséquence, en raison d’une baisse de l’ensoleillement, d’altérer les conditions de fonctionnement selon les principes architecturaux dits bioclimatiques selon lesquelles elle a été réalisée en 1987, d’une maison implantée à proximité ».
A la suite d’un pourvoi en cassation, cette affaire a été l’occasion, pour la Haute juridiction, de rappeler le champ d’application de ces dispositions et les intérêts protégés au titre de cet article.
Pour rappel, l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme dispose que : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».
Sur le fondement de ces dispositions, le juge administratif considère de manière constante que « si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l’existence d’une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus» (CE, 30 janvier 2020, n° 419837 ; CE, 26 février 2014, n° 345011 ; CE, 13 juillet 2012, « Engoulevent et autres », n° 345970).
Dans l’affaire jugée le 13 mars dernier, le Conseil d’Etat a précisé que « ces dispositions permettent de rejeter ou d’assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain. ». L’autorité administrative ne peut donc refuser un permis ou émettre des prescriptions sur le fondement de l’article R. 111-27 du C.U. que si un projet, par ses caractéristiques ou son aspect extérieur, porte une atteinte visible à son environnement, c’est-à-dire s’il ne s’insère pas harmonieusement dans le paysage naturel ou urbain environnant.
Les conclusions de Madame le Rapporteur public Roussel sous cet arrêt indiquent en ce sens : « Cette disposition (…) donne à l’autorité administrative un levier pour préserver l’harmonie et la cohérence de l’environnement du projet, qu’il soit naturel ou bâti. Les intérêts protégés sont exclusivement d’ordre esthétique et qualitatif. »
En somme, les dispositions du RNU visent à assurer une insertion harmonieuse du projet dans le site et n’ont pas vocation à protéger des intérêts privés. En application de ce principe, la Haute juridiction a logiquement considéré que la seule altération des conditions de fonctionnement énergétique de la maison voisine par le projet ne justifiait pas la censure du permis délivré sur le fondement de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.
Ainsi, l’autorité administrative qui souhaiterait s’opposer à un projet ou l’assortir de réserves, sur le fondement de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, doit veiller à ce que sa décision soit uniquement justifiée par la mauvaise insertion du projet dans le site et l’atteinte portée à son environnement.
Les troubles anormaux de voisinage sont quant à eux l’affaire du juge civil. La démolition d’une construction nouvelle régulièrement édifiée peut en effet être ordonnée par une juridiction civile dès lors qu’elle cause, par exemple, « une perte importante d’ensoleillement et de luminosité » (Cass . 3ème civ., 7/12/2017,n° 16-13309).