Les obligations pesant sur les détenteurs d'équidés

   
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Depuis une dizaine d’années, les contraintes réglementaires relatives à la détention des équidés se sont considérablement aggravées. Après en avoir rappelé le contexte, et sans en dresser une liste "à la Prévert", il est utile de rappeler les formalités essentielles que doit remplir le détenteur d’équidés.

 

 

 

1. LE CONTEXTE DE CES CONTRAINTES REGLEMENTAIRES

 

 

Au préalable, il est essentiel de définir la notion de détenteur.

 

 

Si les textes européens ou français y font souvent référence, il ne faut pas confondre propriétaire et détenteur.

 

 

Un propriétaire hors sol qui confie ses chevaux à des tiers, entraîneurs ou autres, n’est pas détenteur d’équidés.

 

 

En revanche, l’entraîneur est évidemment détenteur des chevaux qui lui sont confiés et dont il n’est pas propriétaire.

 

 

Ensuite le détenteur peut être soit un professionnel, soit un particulier, personne physique ou morale.

 

 

En réalité, le détenteur est défini comme « une personne physique ou morale, professionnelle ou non, ayant la garde d’au moins un équidé à titre permanent ou temporaire, qu’il soit ou non propriétaire. »

 

 

Ainsi, le détenteur est le gardien de l’équidé, ce qui en droit signifie qu’il en a l’usage, le contrôle et la direction.

 

 

La jurisprudence considère que ces trois attributs de la garde ne peuvent pas être divisés, autrement dit n’admet pas la possibilité d’un transfert partiel de la garde.

 

 

Ainsi le manadier n’est pas gardien du cheval monté par son propriétaire et participant à la manade à titre bénévole, car il ne possède pas l’usage et le contrôle du cheval qui a blessé un spectateur[1].

 

 

Le fait de s’occuper très occasionnellement d’un cheval, par exemple pour le soigner, sans en avoir la direction ne confère pas la qualité de détenteur.

 

 

Toujours est-il qu’il est apparu nécessaire au Législateur au cours de ces dernières années de s’assurer que le détenteur d’un ou plusieurs équidés, professionnel ou à fortiori particulier, réponde aux conditions nécessaires à la bonne marche de la filière équine.

 

 

En réalité les mesures prises visent deux objectifs principaux :

 

 

- D’une part permettre un suivi rigoureux sur le plan sanitaire du cheptel d’équidés en France. Il est vrai que le danger d’une épidémie est toujours prégnant, comme l’a montré l’épidémie de rhinopneumonie venue d’Espagne et qui a frappé l’ensemble de la filière équine au printemps 2021 !

 

 

- D’autre part, veiller au bien-être des chevaux, objectif devenu essentiel sous l’influence des associations de défense des animaux. C’est toute la filière qui s’est mobilisée sur ce sujet, notamment avec la signature du manuel pratique du bien-être équin signé en 2018, notamment par la SECF. La loi dite « Dombreval » du 30 novembre 2021[2] et son Décret d’application du 18 juillet 2022[3] ont encore créé des contraintes supplémentaires dans le cadre de la lutte contre la maltraitance animale.

 

 

 

Reste à examiner les principales contraintes liées à la qualité de détenteur.

 

 

 

2. LE CONTENU DE CES CONTRAINTES REGLEMENTAIRES

 

 

Il est difficile d’en dresser une liste exhaustive tant elles sont nombreuses, et on n’évoquera pas ici les contraintes relatives aux conditions d’hébergement des chevaux, lesquelles d’ailleurs tiennent plus, et heureusement, de simples recommandations que d’obligations.

 

 

Ne seront pas étudiées non plus les contraintes relatives à l’environnement et aux règles d’urbanisme, comme par exemple la tenue d’une fumière, ou la proximité de maisons d’habitation, avec l’application des règlements sanitaires départementaux.

 

 

Contentons-nous de relever les formalités administratives suivantes :

 

A. L’identification des équidés

 

 

L’identification des équidés est devenue obligatoire par un Décret d’octobre 2001[4], et le puçage a été introduit entre 2003 et 2008.

 

 

L’identification des équidés comporte :

 

- L’implantation d’un transpondeur électronique (puce) dans l’encolure. Ce transpondeur comprend :

 

- Le code pays (250 pour la France)

- Le code national d’identification (25 pour les chevaux).

- Le code attribué au fabricant composé de deux chiffres.

- Le numéro d’ordre de 8 chiffres.

 

 

- Le document d’identification :

 

 

Une fois l’identification du poulain faite et les informations reçues par le SIRE, celui-ci établit le document d’identification ainsi que la carte d’immatriculation.

 

 

Rappelons que si la carte d’immatriculation doit être conservée par le propriétaire du cheval, en revanche le document d’identification doit toujours suivre le cheval dans tous ses déplacements.

 

 

Ce document comporte le relevé des marques matérielles du cheval, un signalement graphique et le numéro SIRE du cheval attribué à l’enregistrement.

 

 

En cas de perte du document, il est possible d’en demander un duplicata au SIRE.

 

 

 

B. La déclaration du lieu de détention

 

 

Depuis le 25 juillet 2010, tout détenteur d’équidé doit s’enregistrer auprès du SIRE, et ce pour pouvoir agir en cas de crise sanitaire équine.

 

 

Cette déclaration est obligatoire pour tous les lieux de détention même temporaires, et peut se faire en ligne gratuitement.

 

 

Cet enregistrement est définitif et n’a donc pas à être renouvelé tous les ans.

 

 

Le SIRE délivre un accusé de réception comportant un numéro du lieu de détention déclaré.

 

 

Cette obligation concerne tant les particuliers qui hébergent un ou plusieurs équidés, que les professionnels, sachant que c’est la SECF qui se charge de l’enregistrement auprès du SIRE pour les entraîneurs.

 

 

Le non-respect de cette obligation sanitaire peut entraîner une amende de 450 à 1500 euros, même si aujourd’hui cette sanction reste bien théorique !

 

 

 

C. La tenue du registre d’élevage

 

 

Ce registre qui peut être établi sur un support papier ou informatique est obligatoire depuis juin 2000.

 

 

Tout détenteur d’un ou plusieurs équidés doit tenir ce registre, et ce même si les équidés dont il a la charge sont écartés de la chaîne alimentaire.

 

 

Ce registre contient notamment les informations suivantes :

 

 

- Une fiche synthétique des caractéristiques de l’exploitation et de son encadrement zootechnique, sanitaire et médical.

 

- Un suivi chronologique des mouvements des animaux, de leur entretien, et des soins apportés.

 

-  Un relevé des divers soins et interventions vétérinaires.

 

 

Ce registre doit être conservé 5 ans et en cas de carence, le détenteur s’expose à une amende.

 

D. Le registre des transports

 

 

Instauré par le Règlement européen du 22 décembre 2004[5], entré en vigueur le 1er janvier 2007, ce registre s’applique aux transports effectués par des acteurs économiques.

 

 

Il concerne donc tous les professionnels de la filière équine, centres d’entraînement ou de pré-entraînement, haras ou stations de monte, centres équestres, courtiers et autres, mais à priori pas la chasse ni les concours d’élevage.

 

 

Il est obligatoire pour tout transport de plus de 65 kms, et doit comporter des mentions relatives notamment aux animaux transportés, les lieux, dates et heures d’arrivée et de départ.

 

 

Ce registre doit être renseigné à chaque transport et doit être présent dans le véhicule avec les documents d’identification des chevaux transportés.

 

 

Il doit être gardé 3 ans à compter de la dernière inspection.

 

 

Là encore le non -respect de cette obligation peut être sanctionné par une amende de 450 à 1500 euros.

 

 

 

E. La désignation d’un vétérinaire sanitaire et la visite biannuelle

 

 

Tout détenteur est tenu de déclarer un vétérinaire sanitaire pour chaque lieu de détention dont il est responsable, accueillant 3 équidés ou plus.

 

 

Cette déclaration se fait auprès de la Direction départementale en charge de la protection des populations (DDECPP).

 

 

Le rôle du vétérinaire sanitaire, qui peut être le vétérinaire traitant s’il est inscrit sur la liste des vétérinaires sanitaires tenue par la Préfecture, consiste à exécuter des missions de police sanitaire ( détection des maladies infectieuses), et des contrôles et expertises en matière de protection animale( par exemple, il établira une attestation pour l’exportation de semences vers un pays tiers).

 

 

Surtout le vétérinaire sanitaire effectuera la visite sanitaire obligatoire tous les deux ans pour tous les détenteurs de 3 équidés ou plus.

 

 

Cette visite est gratuite, étant prise en charge par l’Etat.

 

 

 

F. La désignation d’un référent bien-être animal

 

 

Depuis le 1er janvier 2022, toute structure accueillant des équidés dans le cadre d’une activité professionnelle doit désigner un référent bien-être animal (article R214-17 du Code rural et de la pêche maritime).

 

 

Cette désignation doit être affichée sur chaque site d’exploitation et être mentionnée sur le registre d’élevage, avec les coordonnées précises du référent désigné et sa signature.

 

 

Ce dernier désigné au sein du personnel peut bénéficier de formations, mais il s’agit d’une faculté et non d’une obligation.

 

 

Par ailleurs le non-respect de cette formalité n’est assortie d’aucune sanction, ce qui la rend bien théorique !

 

 

 

G. L’attestation de compétence

 

 

Évoquons simplement pour mémoire cette autre contrainte crée par la loi dite « Dombreval », puisqu’elle a déjà été évoquée dans un précédent article.

 

 

Il faut rappeler que le texte vise toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle, est en contact direct d’un équidé, et que les détenteurs d’équidés non-professionnels doivent eux justifier d’un certificat de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce.

 

 

Le professionnel doit attester d’une expérience professionnelle de 18 mois minimum ou d’un diplôme, dont un arrêté à venir doit préciser la liste.

 

 

Rappelons enfin que cette mesure n’est applicable qu’au 31 décembre 2022, et que tous les professionnels détenteurs d’équidés à cette date seront réputés satisfaire aux conditions requises et seront donc dispenser d’établir une attestation.

 

 

En conclusion, bien évidemment les objectifs ayant dicté ces diverses mesures sont tout-à-fait légitimes, qu’il s’agisse du suivi sanitaire ou du bien-être des chevaux.

 

 

Pour autant "trop de trop tue le trop ", dit un proverbe turc, et on ne peut s’empêcher de penser que cet amoncellement de contraintes pesant sur les professionnels risque fort d’entraîner une relative inapplication de ces mesures.

 

 

D’autant qu’en cas de non-respect, les contrevenants sont très loin de craindre une mise en …détention provisoire !

 

 

En tout cas, il faut souhaiter que toutes ces formalités administratives n’empêchent pas les professionnels de faire ce pour quoi ils sont qualifiés, c’est-à-dire s’occuper avant tout des chevaux.

 

 

 

[1] Cass 2ème civ 16.07.2020 RG 19-14.678

[2] Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes

[3] Décret n° 2022-1012 du 18 juillet 2022 relatif à la protection des animaux de compagnie et des équidés contre la maltraitance animale

[4] Décret n° 2001-913 du 5 octobre 2001 relatif à l'identification et à l'amélioration génétique des équidés

 

[5] Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) n° 1255/97

A propos de l'auteur

Photo de Sophie  BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS DESS droit des entreprises Membre de l’Institut du Droit Equin Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois Diplômée... En savoir +

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Sophie BEUCHER

Avocat au Barreau d'ANGERS

DESS droit des entreprises
Membre de l’Institut du Droit Equin
Chargée d’enseignement au pôle universitaire du saumurois

Diplômée d’un DESS droit des entreprises dispensé par la Faculté de Droit d’Angers, Sophie BEUCHER a intégré le Cabinet LEXCAP en 2004 en qualité de juriste.

Après avoir obtenu son diplôme professionnel par équivalence, elle s’est inscrite au Barreau d’Angers en 2009 tout en poursuivant sa collaboration avec le Cabinet LEXCAP et plus particulièrement avec Thierry BOISNARD dans le domaine du contentieux commercial.

Elle fait partie de l’équipe du secteur contentieux commercial qui intervient dans tous les domaines du droit des affaires.

Sophie BEUCHER est plus particulièrement en charge des contentieux relatifs aux litiges commerciaux, recouvrement de créances, droit de la consommation, droit bancaire, cautionnement, procédures collectives.

Par ailleurs, elle a développé une activité spécifique de droit équin, qu’il s’agisse des procédures judiciaires liées à des mises en jeu de responsabilité, à des ventes de chevaux, relations contractuelles, assurances, indivision, troubles de voisinage…ou qu’il s’agisse de conseils auprès de cavaliers, gérants d’écuries et entraineurs de galopeurs ou trotteurs consistant notamment dans la rédaction de contrats de vente, contrats commerciaux, de sponsoring, de mise en demeures.